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5 mars 2021

Précisions sur le régime indemnitaire des agents des collectivités territoriales

5 mars 2021

Précisions sur le régime indemnitaire des agents des collectivités territoriales

La rémunération des agents territoriaux se compose de deux éléments :

 

  • le traitement, fixé par des grilles indiciaires décidées par l’Etat
  • le régime indemnitaires (ou indemnités), lesquelles sont accordées par l’employeur public

Le régime indemnitaire permet donc aux élus de « récompenser » leur personnel, même si cette libre administration n’est pas totale.

L’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Douai du 30 juillet 2020 a mis en lumière cette particularité.

 

La commune d’Offranville avait voté par deux délibérations le régime indemnitaire de ses agents, mais sans statuer sur le sort de celui-ci pendant les congés de maladie. Dans la pratique, le régime indemnitaire était toujours versé aux agents en congés de maladie.

 

Par note de service, le directeur des affaires générales de la commune  indiqué qu’il allait mettre fin  à cette pratique à compter du 1er novembre 2015.

Le Syndicat CFDT Interco 76 a saisi la juridiction administrative, en soulevant notamment l’incompétence de l’auteur de la décision. Leur recours a été rejeté par jugement du 18 avril 2018 et arrêt du 30 juillet 2020.

 

Le Tribunal administratif avait retenu que la note de service n’étant pas une décision, la requête devait être déclarée irrecevable.

 

Mais dans l’entrefaite, le Conseil d’Etat avait fait évoluer sa jurisprudence au travers d’un arrêt GISTI (CE 12 juin 2020, n° 148142) selon lequel : « Les documents de portée générale émanant d’autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en oeuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices « .

 

Le régime indemnitaire des agents territoriaux ne peut être plus avantageux que celui des agents de l’état

 

Ainsi, pour le juge d’appel, la note a « eu des effets concrets sur la situation des agents de la commune  et a induit une modification de l’ordonnancement juridique existant ». En revanche, la note du DGS ne fait que reprendre le droit en vigueur. Elle pouvait donc faire l’objet d’un recours.

 

Sur le fond, la Cour administrative d’appel a rappelé les termes de l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa version applicable, selon laquelle :

 

« L’assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale ou le conseil d’administration d’un établissement public local fixe les régimes indemnitaires dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l’Etat et peut décider, après avis du comité technique, d’instituer une prime d’intéressement tenant compte de la performance collective des services selon les modalités et dans les limites définies par décret en Conseil d’Etat.  » et aux termes de l’article 2 du décret du 6 septembre 1991 pris pour l’application du premier alinéa de l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale:  » L’assemblée délibérante de la collectivité ou le conseil d’administration de l’établissement fixe, dans les limites prévues à l’article 1er, la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements. « . D’autre part, aux termes de l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires :  » Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire  » et aux termes de l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984 précitée :  » Le fonctionnaire en activité a droit (…) 2° à des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une durée de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l’intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois : ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l’indemnité de résidence « .

 

Ainsi, l’assemblée délibérante d’une collectivité territoriale, qui fixe le régime indemnitaire de ses agents et ses modalités d’attribution dans des conditions qui ne peuvent être plus favorables que celles dont bénéficient les agents de l’Etat, peut, depuis le décret du 26 août 2010, décider du maintien des primes durant les périodes de congés de maladie ordinaire. En outre, la collectivité, même en l’absence d’une telle décision, peut légalement, lorsque des circonstances particulières lui paraissent le justifier, procéder à un tel maintien.

En rappelant une règle, la décision n’est pas frappée d’incompétence

La Cour a alors déduit de ces disposition que puisque le régime indemnitaire a été instituée par deux délibérations de 1992 et 2002, le décret permettant aux agents territoriaux de bénéficier du maintien du régime indemnitaire ne pouvait donner lieu à s’appliquer. Le régime indemnitaire ne pouvait donc pas être plus favorable que celui accordé aux agents de l’Etat.

 

En conséquence, même si la délibération de 2002 pouvait laisser penser qu’il instituait un maintien du régime indemnitaire pendant les congés de maladie, elle ne le pouvait pas. Dès lors, la note litigieuse ne faisait que rappeler les règles en vigueur et n’édictait pas une règle nouvelle, même si elle met fin à une pratique contraire à celle en vigueur.

 

La Cour conclut donc qu’il s’agit d’un simple rappel de la règle, qui demeure de la compétence du Maire, contrairement à l’édiction de la règle, qui est de la compétence du Conseil municipal.

 

Le recours du syndicat a dès lors été rejeté.

 

Cet arrêt mérite d’être cité en ce qu’il fait application de la jurisprudence GISTI du 12 juin 2020 et rappelle les règles en matière de régime indemnitaire, notamment celle de la parité entre la fonction publique d’Etat et la fonction publique territoriale.

 

Article rédigé par Me LE BORGNE

 

Maître Guillaume LE BORGNE, Avocat en droit public et notamment en droit de la fonction publique et des collectivités territoriales, conseille et assiste ses clients, qu’ils soient institutionnels ou agents publics.

 

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